Les grands-prêtres Anne et Caïphe : maîtres du jugement de Dieu

D’après la loi de Moïse, le peuple d’Israël ne pouvait avoir qu’un seul grand-prêtre. Celui-ci était à la tête de tous les autres ministres du temple de Jérusalem et prenait les décisions les plus importantes liées à la vie religieuse du peuple. C’était une fonction extrêmement importante vitale.

Les Evangiles mentionnent plusieurs fois les grands-prêtres. Mais au moment de la vie terrestre de Jésus Christ, le peuple juif, héritier de l’antique Israël, était plus occupé à accomplir des rites extérieurs qu’à suivre véritablement la loi.

Il y avait alors à Jérusalem deux grands-prêtres : Anne (abréviation d’Anan, en hébreu « miséricorde ») et son gendre Joseph Caïphe. Anne, cependant, ne fut grand-prêtre que neuf ans : de l’an 6 à l’an 15 après J.C, ensuite il fut écarté de sa dignité par le nouveau préfet de Judée (représentant romain), Valerius Gratus, prédécesseur de Ponce Pilate. Cependant, Anne conserva une immense influence, sans doute, en grande partie, parce qu’il contrôlait, au temple, le commerce des animaux de sacrifice, qu’il était assez riche et achetait souvent, avec de l’argent, les Romains de Jérusalem.

Le Christ devant le grand-prêtre. Duccio di Buoninsegna. 1311

Caïphe fut grand-prêtre plus longtemps, de 18 à 36 après J.C, mais il semble qu’il était soumis en tout à son puissant beau-père. C’est pour cela que le Christ, arrêté au jardin de Gethsémani, fut tout d’abord conduit auprès d’Anne. Celui-ci L’envoya ensuite à Caïphe par souci de manifester une apparence d’ordre et d’obéissance aux lois.

Comme Anne, Caïphe appartenait au parti religieux des Sadducéens : il croyaient certes en Dieu, mais ils ne croyaient pas en l’immortalité de l’âme. Il semble qu’ils doutaient même de l’existence de l’âme. Ce sont eux, les Sadducéens, qui interrogèrent le Christ avec ironie, en lui demandant de qui une femme serait l’épouse dans le paradis, si elle avait été mariée sept fois et mourait sans enfant.

Cela faisait longtemps que les grands-prêtres voulaient régler son compte à Jésus. Ils Lui envoyèrent plus d’une fois des provocateurs pour essayer de Le prendre à défaut en train de contredire la loi.

Premièrement, ce qu’Il disait ne leur plaisait pas. En effet le Christ ne se contentait pas de donner du sens aux traditions et rites et aux lois établies. Il démasquait publiquement les chefs du peuple juif qui étaient assis sur le trône de Moïse, et mettaient sur les épaules des gens de lourds et pénibles, alors qu’eux ne voulaient pas remuer un doigt (Mt 23,2-4)!

Deuxièmement, la manière dont Il parlait ne leur plaisait pas : « il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes et pharisiens» (Mt 7,29).

Mais ce qui leur déplaisait le plus était l'effet que Jésus produisait sur le peuple. On pensait de Lui différentes choses : certains Le vénéraient comme maître de sagesse, d’autres comme un prophète (ou même l’un des grands prophètes revenu d’entre les morts), d’autres encore le considéraient comme le Messie tant attendu, le Christ, Oint de Dieu. Mais pour tous, une chose était sûre : Jamais personne n’avait parlé comme cet homme (Jn 7,46).

Les grands-prêtres étaient donc tourmentés par de banales passions : l’envie et la haine.

Toutefois, aux yeux du peuple, ils n’avaient pas du tout envie de passer pour des envieux et des vindicatifs, aussi craignaient-ils de dénoncer en public un Maître aussi reconnu que le Christ. Il leur fallait un prétexte, mais ils n’en trouvaient pas...

Pourtant, après que Jésus eut ressuscité Lazare, qui était resté quatre jours dans son tombeau, les grands-prêtres se virent contraints d’agir. Ce miracle était trop manifeste, trop troublant et il avait été accompli trop près de la capitale, devant trop de témoins (Béthanie n’était qu’à trois kilomètres de Jérusalem) ! Il fallait d’urgence supprimer Jésus, décidèrent les grands-prêtres et les pharisiens qui s’étaient joints à eux lors du conseil : Si nous Le laissons ainsi, tous croiront en Lui (Jn 11:48).

Or, comme par hasard, la Pâque devait être célébrée quelques jours plus tard : il y aurait plein de monde à Jérusalem et autour de Jésus, une foule allait se réunir, il deviendrait impossible de l’aborder. Il fallait donc se hâter et « régler le problème » avant la Pâque, le plus discrètement possible, décidèrent les grands-prêtres.

Alors, Caïphe prononça cette phrase étonnante : il faut que Jésus meure pour le peuple (Jn 11, 50-51). Caïphe était bien sûr un homme mauvais, mais il était tout de même grand-prêtre et, sans le savoir, il avait prononcé une prophétie. Le Christ mourut réellement pour tous les hommes, prenant librement sur Lui la responsabilité des péchés de chacun de nous.

Pourtant, les projets d’Anne et de Caïphe ne se réalisèrent que partiellement. Ils ne purent condamner le Christ « discrètement » : au jugement de Pilate, une grande foule se rassembla, que les grands-prêtres durent manipuler en la dirigeant contre Jésus. Et le supplice sur le Golgotha attira lui aussi des badauds. En revanche, ils avaient réussi à régler le problème avant la célébration de la Pâque, qui cette année-là tombait un samedi. Mais cela n’avait plus d’importance. Le lendemain de la Pâque juive, le Christ ressuscita, et la fête acquit un sens et un contenu nouveaux.

En décidant de condamner Jésus, les grands-prêtres agissaient selon le plan établi et s’efforçaient de régler la question le plus rapidement possible. C’est pourquoi pendant le jugement Jésus ne répondit pas aux questions : ces questions, tout comme le processus du jugement, n’étaient que pure formalité, mise en scène.

On ne peut cependant pas dire qu’Anne et Caïphe n’avaient pas la possibilité de revenir en arrière. Le jugement du Sauveur aurait pu être mené de façon légale, normale : de jour, en convoquant tous les membres du sanhédrin (le haut tribunal), en écoutant au préalable tous les témoins (de vrais témoins et non pas de faux témoins réunis à la va vite), sans se presser pour prononcer la sentence. On aurait pu au moins réfléchir, alors, quand à la question directe : «Es-Tu le Christ, le Fils de Dieu?» le condamné donna une réponse, en substance, positive. On aurait pu éviter de faire du chantage à Pilate, qui était prêt à relâcher l’innocent, en lui disant : « Si tu le libères, tu n’es pas l’ami de César».

Aucune de ces possibilités ne fut utilisée par les grands-prêtres. C’est ce qui arrive quand un homme a décidé de ne pas écouter la voix de sa conscience et, s’entêtant, se jette la tête la première dans sa propre défaite.

…En 1990, les archéologues trouvèrent à Jérusalem la dépouille d’un certain Caïphe et des membres de sa famille. Dans l’un des crânes ils trouvèrent une pièce de monnaie. Placer une pièce de monnaie dans la bouche d’un mort était une habitude païenne : on considérait que le mort, grâce à elle, payait Charon, le passeur pour traverser la rivière qui séparait le monde des vivants du monde des morts. Si cet homme est le fameux Caïphe, on peut dire que sa mort est à l'image de ce qu'a été sa vie.

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