Trois histoires du starets Païssios sur la prière

«J’ai ma règle à observer!..»
Lorsque je suis arrivé au monastère, on m’a placé au réfectoire en tant qu’assistant. Un vieux moine de quatre-vingts ans, très décrépi, m’a alors demandé de lui porter sa soupe dans sa cellule.

A la fin de mon service, je lui verse sa soupe dans une assiette et je vais lui porter. Un jour, un moine me voit et me fait toute une ritournelle :
« Eh là, toi ! Ne lui donne pas de mauvaises habitudes ! Si tu fais cela, il va te demander une chose, puis une autre, et il ne te laissera plus jamais tranquille. Tu seras obligé de t’occuper de ce vieillard et tu ne pourras pas observer ta règle de prière ! Ah, on voit que tu ne sais pas combien il a pu m’ennuyer avec ses problèmes ! Moi aussi, je l’ai aidé, autrefois, quand il avait pris froid : eh bien après cela il ne voulait plus me lâcher ! Il donnait des coups dans le mur pour tout et rien : « Sois gentil, fais-moi un thé ! » ; ensuite : « Sois aimable, aide-moi à me retourner sur l’autre côté ! » ; trois minutes plus tard : « Sois gentil, mets une brique chaude sur mes reins ! »… « Fais-moi du thé, apporte la brique !... Fais-moi du thé, apporte la brique !... » Et moi, j’avais ma règle à observer !... Je ne pouvais plus prier! Ce vieillard m’a rendu chèvre ! »
Te rends-tu compte de ce qui se passe ? C’est terrible ! Un vieillard, derrière le mur, gémit, demande de l’aide, mais le moine ne veut pas y aller pour ne pas manquer à sa règle !... C’est le signe d’un cœur complètement gelé, dans un état de totale insensibilité. Comment pourrait-on en douter : pour Dieu, la brique et le thé avaient beaucoup plus d’importance que n’importe quel nombre de métanies et de chapelets irréprochables !
En effet, debout devant le Christ avec son chapelet, le moine priait : « Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi ! » tout en montrant les dents à son prochain : « Laisse-moi donc tranquille ! ».

La prière au volant
Je me souviens d’un homme venu me voir à la kalyve . Il était presque désespéré : par inattention, il avait renversé un enfant sur la route. Toutefois, grâce à Dieu, l’enfant était resté vivant.
Cet homme répétait : « Je suis un criminel et je mérite un châtiment ».
– « Mais lorsque tu l’as renversé, tu priais ? » - lui demandai-je. « Non » - répondit-il.
« Tu mérites un châtiment, - lui répondis-je, - mais pas parce que tu l’as renversé. Tu mérites davantage d’être puni parce que tu ne priais pas. »
Et je lui racontai l’histoire d’une de mes connaissances. C’était un fonctionnaire de l'état, qui avait atteint un haut niveau de vertu. Il priait sans cesse la prière de Jésus : au travail, sur la route, partout. La prière, en lui, s’écoulait d’elle-même et de ses yeux coulaient des larmes d’action de grâce et de joie. Même ses papiers, sur sa table de travail, étaient mouillés de larmes. Il voulut arrêter son travail, et prendre une retraite anticipée.
Il vint me voir à l’Athos dans ma kalyve, pour me demander que faire. « N’arrête pas ton travail », - lui dis-je. – « Et si tes collègues te demandent pourquoi tu pleures, réponds-leur : « C’est le souvenir de mon père défunt ».
Or, un jour, alors que cet homme conduisait sa voiture, un enfant déboula sur la route à l’improviste devant lui. Impossible d’éviter la collision : à cause du choc, l’enfant s’envola comme un ballon. Mais ensuite, il s’avéra qu’il n’avait rien eu du tout. Dieu l’avait gardé du malheur parce que même au volant cet homme n’arrêtait pas de prier.

«Je prie pour tous, autant que je peux »
Un jour, pendant une grave sécheresse, un moine de l’Athos priait ainsi : « Mon Dieu, je t’en prie, donne aux gens un peu de pluie. Pas pour nous : nous sommes des moines et avons promis de vivre dans l’ascèse. Aie pitié des pauvres gens du monde qui souffrent et qui malgré tout nous donnent un peu de leurs maigres récoltes. Si j’étais dans une bonne disposition spirituelle, Tu m’écouterais et ces gens ne souffriraient pas. Je sais que je suis un grand pécheur, mais est-il juste que d’autres souffrent à cause de moi ? Aide-les ! Ils n’ont pas le temps de prier, me voila qui prie pour eux autant que je peux». Une heure et demie après, la pluie tomba : sur toute la Macédoine, la Thessalie et sur l’Athos !

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