Ponce Pilate : l’homme qui aurait pu empêcher la condamnation de Jésus

Ponce Pilate est le seul qui aurait réellement pu changer la destinée de Jésus Christ. Et il a essayé de le faire.

D’après ses contemporains, Pilate, nommé en 26 préfet de Judée, ne se distinguait pas par son équité ni même par sa probité. Le philosophe juif Filon d’Alexandrie le décrit comme un homme cruel et corrompu, responsable de quantité de condamnations sans jugement. Le roi de Judée Hérode Agrippa alla même se plaindre à l’empereur Caligula de la « cruauté constante et insupportable » de Pilate.

Ces caractéristiques doivent avoir un fondement, bien que les accusateurs de Pilate eux-mêmes n’étaient pas impartiaux. En réalité, dès le départ, le procurateur eut des relations difficiles avec les Juifs. Les habitants de la Judée supportaient très mal la perte de leur indépendance (après la mort d’Hérode le Grand en l’an 4 avant notre ère) et défendaient bec et ongles leurs usages et traditions, même dans les situations les plus insignifiantes.

On sait que Pilate, voulant montrer sa soumission à l’empereur, ordonna d’introduire à Jérusalem des enseignes et effigies de l’empereur. Les Juifs furent extrêmement choqués : durant cinq jours, ils encerclèrent la résidence du préfet (le prétoire), tentant par moments de la prendre d’assaut et exigeant avec force de retirer les images païennes de leur ville sainte. Les menaces de Pilate de les faire égorger tous sans distinction ne firent aucun effet. A la fin, il fut obligé de céder, mais son opinion sur les Juifs était des plus défavorables.

Une autre histoire déplut Pilate. Il décida d’aménager un aqueduc à Jérusalem. L’idée était bonne : la ville manquait souvent d’eau potable, surtout les jours de fête, lorsque affluaient des centaines de milliers de pèlerins de tous pays. Mais pour financer ce projet, Pilate proposa de puiser dans le trésor du temple. Les grands prêtres et tous les autres membres du sanhédrin s’y opposaient catégoriquement. De nouveau, des menaces, et de nouveau, Pilate finit par céder.

Il y avait beaucoup de Zélotes parmi les Juifs. Ces zélateurs de la loi de Moïse s’efforçaient de renverser le joug romain. Des émeutes éclataient ça et là (le Nouveau Testament mentionne des insurgés comme Barabbas, Theudas et Judas de Galilée), et Pilate dut plus d’une fois déranger l’empereur pour lui demander son soutien militaire.

En un mot, Pilate n’aimait pas beaucoup les Juifs avec leurs usages religieux et leurs querelles sans fin, et ceux-ci ne l’aimaient pas non plus.

Pourtant, quand on lui amena Jésus le Galiléen, la veille de la Pâque juive, le préfet romain décida de manifester de l’intransigeance. Pourquoi?

Il voulait sans doute affaiblir les chefs juifs qui causaient des troubles au moindre prétexte. Ils avaient déjà tout décidé à propos de Jésus ? Très bien, qu’ils agissent eux-mêmes conformément à leur décision. Mais s’ils avaient besoin d’une sanction venant d’un fonctionnaire romain, alors il y faudrait organiser, sans se hâter, un vrai débat. On ne saurait «se débarrasser de cette petite formalité » à la va vite. Les Juifs sont intransigeants  dans leurs usages, les Romains dans l’application de la loi.

En réalité, il est évident que Pilate ne comptait pas s’intéresser aux chefs d’accusation retenus contre Jésus. C’est pour cela qu’il commença par lui poser de simples questions : est-ce qu’on T’accuse à juste titre ? Es-tu vraiment le Roi des Juifs ? Pilate attendait une réponse aussi simple que ses questions, mais il n’en fut rien. L’accusé ne répondit pas par « oui » ou par « non ». Il répondit : Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, Mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que Je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant Mon royaume n'est point d'ici-bas. (Jn 18, 36-37). Ne souhaitant pas passer trop de temps sur cette affaire, Pilate fit une nouvelle tentative pour recevoir une réponse courte et claire. Tu es donc roi? Précise-t-il. A nouveau, il n’entendit pas la réponse espérée : Tu le dis, Je suis roi. Je suis né et Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité écoute Ma voix.

Pilate n’avait pas la moindre envie d’engager une conversation philosophique sur ce qu’est la vérité, aussi décida-t-il simplement de libérer Jésus. Si ce n’était pas pour son innocence (Pilate n’a jamais compris si Jésus se considérait ou non comme roi mais il voyait qu’Il n’était pas dangereux), il pouvait le libérer en se servant de l’usage de libérer, la veille de la Pâque, l’un des condamnés.

Mais là, Pilate se heurta à l’opposition obstinée du peuple, que les grands prêtres avaient déjà eu le temps de manipuler. Le peuple exigeait de libérer, non pas Jésus, que l’on appelle le Christ, mais un autre prisonnier : le rebelle Barabbas.

Ce sont des choses qui arrivent : on voudrait prendre une décision facile et qui arrange tout le monde, mais les circonstances se mettent soudain en travers et nous forcent à creuser le sens des choses, et à prendre la décision qui convient, quelles que soient les conséquences.

La foule exigeait obstinément de condamner le Christ, mais Pilate avait de plus en plus d’arguments pour sa libération.

Premièrement, il savait déjà que c’était par haine que les grands prêtres exigeaient de juger Jésus. Deuxièmement, sa propre femme lui avait demandé de ne pas faire de mal au Juste que lui amèneraient les Juifs car elle avait beaucoup souffert en songe à cause de lui (Mt 27,19). Et surtout, plus Pilate parlait avec Jésus, plus il comprenait que devant lui se tenait un Homme hors du commun. Si les pharisiens et les grands prêtres s’irritaient en entendant le Sauveur se désigner comme Fils de Dieu, Pilate, en entendant Jésus, en conçut de la frayeur et chercha comment Le libérer (Jn 19, 8 et 12). Il y avait visiblement dans l'âme du préfet une corde sensible. Peut-être qu’il avait simplement peur : étant païen, Pilate pouvait tout à fait admettre que les Juifs aient leur Dieu, et qu’il valait mieux avoir de bons rapports avec Lui.

En outre, les paroles de Jésus avaient dû l’impressionner : Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui me livre à toi commet un plus grand péché. (Jn 19,11).

Pilate fit trois tentatives pour libérer le Sauveur. Mais cela se solda de la même façon que les précédentes oppositions avec la foule des Juifs : il dut céder. N’étant pas arrivés à le convaincre que Jésus était coupable, les grands prêtres lui firent du chantage ouvertement : « Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César. Quiconque se fait roi se déclare contre César. » (Jn 19,12). Cet argument fit son effet. Pilate se lava les mains symboliquement devant la foule et déclara : Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. (Mt 27, 24).

C’est ainsi que la lâcheté de Pilate anéantit toutes les tentatives de sa conscience.

Pilate aurait-il pu s’imposer ?

Sans doute. L’homme n’est pas un instrument aveugle de la Providence. Mais il n’avait pas envie d’envenimer le conflit avec les Juifs. Ceux-ci auraient très bien pu le dénoncer à l’empereur. Toutefois, à bien y regarder, cette dénonciation n’aurait pas été un obstacle à sa carrière : la libération de Barabbas, qui était ouvertement révolté contre les Romains, était sans doute aux yeux des Romains une faute bien plus lourde que la libération du « Roi des Juifs ».

Finalement, Pilate fut tout de même dénoncé. Les habitants de Samarie se plaignirent de lui après qu’il ait condamné toute une foule de leurs compatriotes qui s’était rassemblée sur le mont Garizim. L’historien Eusèbe de Césarée écrit que Pilate fut envoyé en exil, où il se suicida.

Ainsi mourut un homme qui avait joué l’un des rôles les plus importants dans l’histoire de l’Evangile.

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