Guérison du démoniaque gérasénien. 23e dimanche après la Pentecôte.

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Le récit que nous venons d’entendre nous place en face de trois situations incompatibles. Nous voyons, en premier lieu, l’attitude, envers une personne habitée par les forces du mal, des démons qui essayent de toutes les manières de l’asservir, de ne rien laisser en elle qui ne soit sous leur contrôle, qui ne leur appartiendrait entièrement, qu’ils ne pourraient utiliser afin de faire le mal. Ces forces démoniaques, on peut les appeler de tous les noms du péché humain : dès l’instant où nous donnons le pouvoir à n’importe quel péché, nous nous rendons esclaves du péché (l’apôtre Paul en parle abondamment). Et si nous nous faisons esclaves du péché, nous aurons le même sort que cet homme : être toute notre vie un instrument du mal, dans la folie, la souffrance et la nuisance.

Néanmoins, il y a quelque chose de plus grave derrière cela. Les démons ont demandé que le Christ les envoie sur un troupeau de porcs. Les porcs pour les Juifs symbolisent l’impureté : le choix de ces démons d’aller dans un troupeau de porcs révèle que tout mal qui séjourne en nous, tout mal que nous commettons et auquel nous nous attachons, auquel nous laissons le pouvoir sur nous-même, est une profanation et une extrême impureté. La imite de cet esclavage, nous la voyons, une fois de plus, dans le sort de ce troupeau de porcs : il périt sans rien laisser derrière lui. Il a rempli sa tâche et a été détruit. Voila l’attitude des forces du mal envers nous, envers chacun d’entre nous et envers nous tous ensemble : envers les communautés, les familles, les pays, les confessions, envers tous sans exception.

Par ailleurs, nous voyons l’attitude du Christ Sauveur. Devant lui se trouve toute la tragédie de l’univers et Lui, comme s’Il oubliait cette tragédie universelle, ou plus exactement, voyant son incarnation tragique dans une personne, Il laisse tout le reste pour sauver cet homme. Sommes-nous capables de faire cela ? Sommes-nous capables d’oublier les tâches les plus grandes, celles dont nous rêvons, afin de concentrer notre attention et donner notre cœur jusqu’au bout avec créativité et esprit de sacrifice à une seule et unique cause à laquelle nous pourrions venir en aide?

La troisième image est celle des Géraséniens qui savaient dans quel état était ce possédé, qui voyaient l’horreur de cette possession et qui ont entendu le Christ le guérir et à quel prix : le prix de la perte de leur troupeau. Ils sont venus vois le Christ pour Lui demander de s’en aller, de leur laisser leurs limites et de ne plus faire de miracles qui leur « coûtent cher » :  qui ne leur coûtent ni la vie ni leur tranquillité mais leur bien matériel… Voila ce qu’ils demandent : Eloigne-toi de nous ! Tes miracles, Ton amour divin nous coûtent trop cher, va-t-en !

Méditons sur nous-même. Nous pouvons nous voir dans l’image de ce possédé parce que chacun de nous est sous l’emprise de telles ou telles passions. Qui n’a pas d’envie, d’orgueil, de haine, ou mille autre péchés ? Tous, dans une certaine mesure, nous en sommes remplis, c’est à dire, nous sommes sous le pouvoir de forces des ténèbres, et c’est bien là leur objectif : s’emparer de nous afin que nous ne soyons rien d’autre que des instruments au service du mal qu’elles veulent accomplir et peuvent accomplir seulement à travers nous et, en même temps, faire de nous des souffre-douleur…

Réfléchissons à propos de notre relation aux autres : ne voulons pas nous aussi les accaparer ? N’essayons-nous pas de prendre l’ascendant sur eux, de les asservir, d’en faire les instruments de notre volonté, les objets de nos convoitises ? Chacun de nous peut trouver en lui de telles propriétés, de telles actions et constater autour de lui de telles victimes.

Ayons enfin à l’esprit que nous appartenons au Christ. Est-il possible que nous qui Lui appartenons, ne choisissions pas la voie du Christ, la voie de la croix, du sacrifice, qui peut donner à d’autres la liberté, une nouvelle vie si seulement nous nous détachions de tout ce qui nous occupe afin de fixer notre attention sur une seule cause réelle, brûlante ? Réfléchissons-y car l’Evangile ne nous est pas donné seulement pour nous présenter des images. L’Evangile est un appel et un défi : où es-tu, qui es-tu, avec qui es-tu ? Chacun de nous doit y répondre à soi-même et à Dieu : qui sommes-nous ? où sommes-nous ? Amen !

Mgr Antoine (Bloom) de Souroge

10 novembre 1991

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